14 discussion entre médecins

le dépistage du cancer de la prostate fait débat dans La région.

Un groupe qualité de médecins doit se réunir pour discuter du sujet. « Que faire devant des PSA élevés » bien sûr l’intitulé implique déjà que les PSA ont été décidés mais au moins il peut y avoir débat, le groupe a invité des urologues pour en discuter. Connaissant mon intérêt pour ce sujet, le groupe me propose de participer à cette réunion.

2 urologues sont invités en tant qu’expert.

La première intervenante (chacun amène un cas qu’il a eu dernièrement) explique qu’elle a souvent des PSA élevés dans les bilans annuels qu’elle prescrit ; elle évoque un patient de 65 ans ayant des PSA très élevés. Elle ne se sent pas à l’aise pour faire le toucher rectal(TR) ,un médecin lui conseille de dire à son patient de lui rappeler de faire le TR la prochaine fois ,c’est à son avis, une bonne façon de préparer le patient. Un autre lui conseille d’adresser son patient à l’urologue qui fera de toute façon le TR. Celui ci confirme et précise que l’on peut avoir des PSA élevés juste parce que l’on a une grosse prostate non cancéreuse.

Une étudiante qui fait un stage rappelle qu’il faut faire les PSA dès l’âge de 50 ans et même 45 ans si on a un frère ou un père qui a eu un cancer de la prostate. Un médecin précise que c’est une recommandation de l’AFU pas de l’HAS !l’étudiante indique que c’est ce qu’elle apprend en cours. Voilà on se retrouve confronté à un grand problème : la non objectivité des cours des étudiants, ceux sont les urologues qui enseignent aux étudiants et on connait la position de l’AFU qui est dominante dans le milieu.

Un médecin se demande jusqu’à quel âge doit-on dépister en soumettant le cas d’un patient de 75 ans. Un médecin intervient pour dire qu’il ne veut pas rater un cancer, d’autres sont plus hésitants voir même dubitatifs. Un des urologues nous parle de la perte de chance, pour lui il ne faut pas laisser un homme sans dépistage car mourir de métastases c’est terrible. Je lui fais remarquer que rien ne montre que de traiter ces hommes de 75 ans va entrainer une amélioration de leur conditions de vie, bien au contraire : les études montrent toutes qu’à cet âge, il vaut mieux s’abstenir de tout traitement .L’urologue reste sur le registre des sentiments et me parle des souffrances des patients.

Un autre parle d’un patient de 61 ans avec des biopsies positives et qui est réticent pour se faire opérer. L’urologue est formel, si on ne fait rien il aura des métastases dans 10 ans (lors de la formation de 2 jours j’entendrais ce genre d’argument qui ne repose sur rien d’autre que la conviction de l’urologue) il faut faire la prostatectomie sinon c’est une perte de chance et il rentre dans les recommandations officielles. Je lui fais remarquer qu’elles n’ont rien d’officielles, ce sont juste celles de l’AFU ! .

Un médecin nous parle de son inquiétude de refuser de faire les PSA et il se dit que son patient pourrait ensuite le lui reprocher ! (on retrouve finalement assez souvent ce raisonnement, on dépiste pour se protéger !)

J’ai le sentiment que pendant cette soirée un grand nombre de médecins se posent des questions, certains disent qu’ils continuent à dépister mais se demandent s’ils ont raison .Pour d’autres, il faut rechercher coûte que coûte, une collègue nous explique qu’elle ne parle du dépistage qu’après avoir fait faire le dosage des PSA dans un bilan de routine ! Pour moi c’est l’opposé de ma conception de la médecine, on doit pouvoir parler de tout avec son patient et faire le plus possible dans la clarté, j’accompagne le patient, je suis en dialogue avec lui, je ne m’occupe pas de son corps sans son esprit. Les deux urologues poussent au dépistage, Ils pensent mordicus qu’un cancer ça se cherche et ça se soigne, peu importe les études et les dégâts.